dimanche 6 mai 2018

Les deuils...


Un thème qui n'est objectivement pas bien gai, mais sur lequel j'ai eu envie d'écrire récemment, suite à quelques nouvelles prises de conscience.

Peut-être avais-je déjà eu ces prises de conscience par le passé, peut-être sont-elles en réalité anciennes, mais tellement déplaisantes que je les aurai refoulées, consciemment ou inconsciemment ?

Si déplaisantes soient-elles, elles existent pourtant et sont bien réelles, elles parlent de choses qui se sont produites, se produiront ou sont sur le point de se produire.

Elles découlent d'évenèments marquants, tournant en général une page, signifiant la fin de quelque chose que l'on a (presque , parfois) toujours connu.

Quand on parle de deuil, on parle bien sûr de la mort, en premier lieu, mais il existe de multiples formes de deuils dans la vie, et toutes sont aussi difficiles à accepter, et à surmonter.


La mort est un des deuils les plus "communs" et les plus récurrents que l'on ait à affronter dans la vie. Je parle bien sur de la mort des autres, de ceux qui nous entourent, pas de la nôtre.

J'ai eu la chance, pour le moment, de ne pas subir de perte dans ma famille proche. J'ai perdu quelques parents un peu plus éloignés, mais que j'aimais tout aussi tendrement, et dont la mort m'a énormément touchée, et la disparition considérablement affectée.

Face à la mort, on ne peut combattre, il n'y a rien à faire, nous ne sommes que d'impuissants spectateurs.

Dès notre naissance, nous devons nous résigner à la mort, la nôtre et celle des autres, car naître nous condamne inexorablement à mourir, et, quelque part, la mort fait partie de la vie.

La mort peut être naturelle, ou accidentelle.

On parle de mort naturelle lorsqu'elle est due à la vieillesse, à la maladie, que la mort, à ce moment là, et de cette personne là, n'est malheureusement pas vraiment une surprise.

On s'y attendait, on y était résignés, on s'y était préparés.

Et pourtant, je serai tentée de dire que, face à la mort, lorsqu'elle décide de frapper, on peut être préparé, mais jamais prêt.

Je me souviens des quelques décès que j'ai eu à vivre, je me souviens de leur annonce qui m'avait semblée irréelle, impossible.

Je me rappelle n'avoir pas réellement réalisé, même après le cimetière, que je ne reverrai jamais la personne, qu'elle était partie, et demander encore de ses nouvelles, quelques temps après son enterrement, tellement mon cerveau se refusait à accepter l'idée de son départ définitif, et irréversible.

Mais tout le monde meurt un jour, et selon moi c'est aller contre-nature que de tenter de défier la mort, même à travers le "progrès", ou via les nouvelles technologies  : intelligence artificielle, cyber-humain, en admettant que notre cerveau, ou notre corps, puisse être transplanté, qu'en serait-il de notre âme, qui demeure, selon moi, l'essence même de ce que l'on est, de notre unicité ?

En bref, tout le monde meurt un jour, et si les gens ne meurent pas, ils partent et nous abandonnent. "People always leave" (les fans de la série "Les Frères Scott" auront bien sûr reconnu le clin d’œil)...



On peut ainsi faire le deuil d'un collègue, d'un ami, d'un amour, d'un travail, d'un lieu, ou encore de moments, d'odeurs, de saveurs.

Au fond, la vie, et le fait de grandir, n'est-ce pas là la première succession de deuils obligatoires ? Ainsi, ado, on fait le deuil de l'enfance ; adulte, celui de l'adolescence, et la vieillesse avançant, on fait ensuite le deuil de sa jeunesse.

Pour ma part, j'écris cet article car j'ai l'impression de passer ma vie à faire des deuils, et que ma voie et mon chemin sont pavés de morts de toutes sortes, ou de fins.

Récemment, j'ai vu une de mes grands-mère être placée temporairement en maison de retraite. Cela m'a fait prendre conscience que bientôt, elle y sera installée de façon permanente, son déclin n'allant qu'en s'aggravant...

C'est là que j'ai pris conscience de certaines fins : la fin de ses bonnes recettes qui avaient bercé le début de ma vie d'adulte, la fin de moments partagés avec elle, du temps où nous avions encore de bons rapport, à manger de la glace Haagendazs, devant nos films ou téléfilms préférés. La fin de séjour dans cette maison qui fut, à une époque, une maison familiale dans laquelle l'on aimait à se rendre. La fin de ma grand-mère quelque part, telle que je l'avais connue, car aujourd'hui, elle peine même à me reconnaître lorsque je l'appelle, ce qui ne facilite pas les échanges déjà rares...

Toutes ces fins, mais aussi un début. Oui, nos rapports se sont dégradés au fil des ans, mais lorsque j'étais petite, j'aimais aller chez elle, elle s'occupait bien de moi et mieux, faisait tout ce qu'elle pouvait pour me gâter ! Alors, je me sens ingrate et coupable, j'ai l'impression de l'avoir abandonnée et une part de la colère que je ressens à son égard se retourne à présent contre moi...



Deuil aussi d'autres personnes, de certains amis qui sont partis, d'ex jamais revus, ou d'amitiés que l'on pensait indéfectibles.

Mais ainsi va la vie, et au final, c'est la chanson qui a raison : "au bout du compte, on est toujours tout seul au monde".

Deuils des amours aussi...
Pour la plupart de mes lecteurs, vous connaissez mon histoire personnelle sur ce chapitre, et vous savez que depuis quelques années, j'ai perdu confiance en l'"homme, en l'amour et je n'arrive plus à me livrer ou à refaire confiance, ma confiance ayant été trop érodée, et mon coeur trop malmené ces dernières années...


Deuil aussi de mes grands-parents maternels qui, même s'ils sont toujours en vie, déclinent aussi.
Ils ne sont plus les grands-parents que j'ai connus, et qui ont contribué à m'élever, ce couple dynamique, aimant sortir "guincher" avec leurs amis, voyager, et qui ont vieilli d'un coup, du jour au lendemain, sans que je m'en rende copte autrement que tout à coup, choquée.

Que s'était-il passé ? Que leur était-il arrivé ?
Rien d'extraordinaire, vous l'aurez deviné, ils avaient simplement vieilli, mais tout s'était enchaîné : mon grand-père avait arrêté de conduire (pour sa sécurité et celle de tous, et pour la tranquillité d'esprit de ma mère), ma grand-mère était presque aveugle, instable sur ses pieds et se déplaçant de plus en plus difficilement ; ils étaient de moins en moins autonomes, et mes sœurs et ma mère se relayaient pour les emmener de docteurs en examens médicaux...

En bref, plus rien de ce qui leur était associé n'était léger : il n'était plus questions que de remèdes, de la fréquence à laquelle les prendre, des prochains examens, des douleurs, des déprimes...
Je me sens en colère contre eux qu'ils aient veiilli et tant diminué. Je sais que c'est là la vie, tout simplement, et qu'ils n'ont pas choisi cette dégradation lente, ils ne sont fautifs ou coupables de rien.
Mais les connaissant, c'est pour eux que tout cela doit être le plus peur, j'imagine leur souffrance de dépendre des autres, de ne plus voyager ou danser, de ne plus voir quasiment personne hormis la famille, et sans doute la peur de la fin, ou la peur de ce qu'il y a avant : la souffrance, la maison de retraite lorsque l'on n'est plus du tout capable d'autonomie, ou dangereux pour soi-même.

Là encore, je me sens coupable, car nos rapports se sont dégradés, par ma faute. Je n'ai aucune patience, et entre mon impatience face à leur changement d'état, ma colère face à leur changement tout court, je leur ai souvent fait payer ma rancœur via des piques acerbes, que j'ai aussitôt regrettées.
Je crois que dans tous les cas, la meilleure chose à faire sera de me rappeler d'eux dans leurs plus jeunes années, lorsque mon grand-père m'a appris à faire du vélo "sans les petites roues" , "comme une grande", ou encore me rappeler ma grand-mère et tout ce qu'elle nous cuisinait de bon ; sans oublier le fait de les revoir sur la piste, eux, les éternels danseurs de musette, les éternels amoureux, qui fêtent aujourd'hui près de 65 ans de mariage, quelque chose que les générations actuelles, qui divorcent à tour de bras, ne connaîtront malheureusement jamais sans doute.


Au fond, qu'est-ce qu'un deuil ? C'est une page qui se tourne malgré nous, sans qu'on le souhaite. C'est un passage obligé. C'est une colère, un déni, une tristesse, une résignation, avant l'acceptation finalement.

Le dernier deuil dont je souhaiterais parler est celui du travail.

Encore une fois, mes amis proches savent ce dont il s'agit : c'est à la fois la mort de mon métier à laquelle j'assiste, et les évolutions désespérés de certains qui n'acceptent pas cette mort, pour le faire perdurer sous des formes que je ne cautionne pas, et qui ne m'intéressent pas.

Ainsi, le travail pour lequel j'ai étudié ne me va plus, ne me correspond plus, et ne m'attire plus.
Pire que cela, en attente d'une solution de ma direction me proposant (enfin ! ) un changement de service que je demande depuis près de deux ans, je suis en arrêt depuis près de deux mois, et incapable de m'approcher ne serait-ce que du périmètre où se situe mon travail.

Dans mon cas, je crois que je combine les syndromes du burn-out (épuisement professionnel), bore-out (l'ennui au travail) et du brown-out (perte de sens de son travail).

En attendant de trouver une solution, je vois ma psy, prends des cachets pour m'aider à dormir, m’apprête à me résigner à reprendre un travail qui deviendra alimentaire faute de mieux, et à essayer de trouver en dehors des sources de bonheur et d'épanouissement, telles que l’écriture, la lecture, le cinéma, les expos, la danse etc...

En bref, il est temps de tourner une page, de faire une deuil de cette profession que j'aurai adoré pratiquer avant, du temps où l'on était encore trois, et où nos missions ne consistaient pas en activités "folkloriques" visant à "faire du chiffre" et "remplir les lieux" ; une époque où le traitement du fonds primait sur les indicateurs de performance.

Un temps où j'étais épanouie, et heureuse d'y aller tous les matins, tout simplement.

Ce temps n'existe plus, et aujourd'hui je suis très inquiète quant à la suite de ma vie, au devenir de mon avenir professionnel, et je me demande ce qu'il adviendra de moi, en tant que personne et en tant que professionnelle...


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