mardi 4 février 2014

La première fois que….j’ai lu un livre !



D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé lire. Les livres occupent une place prépondérante dans ma vie depuis l’enfance, et  de nombreux souvenirs heureux y sont liés.
Les livres ont rythmé ma vie, marqué mon adolescence et contribué à faire mon éducation. Ils sont liés à des moments d’échange et de partage pour moi qui vient d’une famille d’amoureux. Amoureux des mots, de la lecture, des livres. En effet, cet amour inconditionnel et ce goût pour les voyages immobiles me vient de mes parents, au contraire de mes deux petites sœurs chez qui le virus ne s’est jamais ni implanté, ni propagé. Peut-être même ont-elles fait un rejet conscient et volontaire, ce sont des rebelles, des esprits contestataires et provocateurs. Elles avaient besoin de mouvement et d’action, là où je n’étais que rêverie et pages tournées. Bref, elles ont trouvé leur propre violon d’Ingres et j’ai largement dévoré leur part de volumes par la suite.
Mes souvenirs d’enfance sont flous, et demeurent en mon esprit des instants abstraits, plus impressions que certitudes, goûts, odeurs, parfums pallient visages moins nets, moments moins surs et paysages incertains. Et le poids des années n’aide pas à enlever ce voile qui recouvre ma mémoire. Cependant, s’il est des réminiscences de cette époque, en mon esprit parfois brouillé, ce sont celles liées aux livres. Là, la brume se dissipe, la nuit s’évanouit et les images reviennent. Des images liées à ma mère, tout d’abord. Patiente, immobile, assise sur mon lit, elle me lisait mes contes préférés. Un recueil en particulier avait ma préférence et bien que connaissant son contenu par cœur, je ne pouvais jamais me lasser de l’entendre. C’était un  recueil de récits de randonnées, dans lequel poules, poussins, ânes, chiens et autres animaux et humains connaissaient un coup du sort, un terrible malheur, qui parfois s’arrangeait, parfois non. Au fil des années, il est devenu synonyme de moments précieux aux yeux de mes deux petites sœurs aussi et ainsi, désormais à quatre sur un lit, je n’ai jamais cessé de les écouter. Le corps au chaud sous la couette, le cœur en sécurité, je me délectais de ces moments de simplicité et de bien être, lors desquels seuls comptaient la voix de ma mère et le destin de ces singuliers personnages de contes. C’est fou comme certains livres ont notre préférence plutôt que d’autres, et nous attirent plus. On ne peut nier l’attrait qu’exerce tout d’abord la couverture, qui détermine souvent si l’on ira plus loin ou non, si on lira ou non le contenu. Quand je pense aujourd’hui à tous ces romans que j’ai envie de lire, et d’avoir lus, tellement de livres et si peu de temps ! Et dans ces moments là je me dis que je n’aurai pas dû me forcer à finir les livres inintéressants, que je n’aurai pas dû non plus relire sans cesse mais livres préférés, mais au lieu de cela, j’aurai dû immédiatement m’atteler à cette tâche ardue et noble, la lecture en générale, et  à ma « to read » liste en particulier…
Mais je m’égare. Avant de parler de tout ce que je rêve d’engloutir, revenons sur mes premiers volumes. Passé le temps des histoires racontées par ma mère, qui me berçaient et au son desquelles je m’endormais, j’ai très tôt appris à lire et quasiment seule, comme bon nombre d’enfants. J’étais très éveillée, et impatiente, sans doute avais-je déjà pressenti que déchiffrer le mystère des lettres et de leur association, permettant ensuite de percer à jour l’énigme encore plus grande des livres, me conduirait à des heures délicieuses, faites d’évasion et de chimères. Les livres m’ont bien souvent tenu compagnie et grâce à eux je ne sais guère ce que sont les sentiments de solitude et d’ennui. Le long du chemin, j’ai grandi, mûri, les livres ont rendu mon imagination fertile et ont aidé à créer ma personnalité, mes idées, formuler ma pensée. Ils ont permis de faire de moi ce que je suis, et ont orienté mon choix de  carrière professionnelle.
Une fois l’apprentissage achevé, ma mère revient sur le devant de la scène puisque c’est en grande partie grâce à elle que je me procurais mes chers livres. Chaque fois que nous faisions les courses ensemble, nous faisions obligatoirement une halte au rayon livre et nous en choisissions un nouveau, à condition bien sûr que le précédent soit terminé. Nous ne roulions pas sur l’or mais mes parents ne m’ont jamais refusé un livre. Ainsi, dans les rayonnages des magasins, je choisissais, grâce aux sages conseils de ma mère, celui avec lequel je ferai mon prochain bout de chemin, celui qui dormirait à mes côtés, caché sous mon oreiller ou bien veillant sur mon sommeil depuis ma table de chevet. Je n’ai pas de souvenirs précis du premier livre que j’ai lu, mais il se situe sans doute quelque part entre « Heidi », « Les Malheurs de Sophie », « Les Petites Filles modèles » ou autre Comtesse de Ségur ou encore Roald Dahl. Je me souviens de collections plus que de titres, de certaines couvertures plus que de certains récits. En revanche, si je ne me souviens pas du premier titre que j’ai pu lire seule, ayant compris les mécanismes, cerné les rouages et obscurs dédales que recelaient la lecture, je me souviens très bien des sensations que cela m’avait procuré. Une sensation de fierté tout d’abord, car je récoltais enfin les fruits dûs à mon dur labeur d’écolière. La liberté, ensuite, liberté de lire seule sans dépendre de quelqu’un  qui aurait déchiffré les mots pour moi, et deviné les histoires avant moi. Liberté d’ouvrir un livre quand moi seule l’aurait décidé, et idem pour le refermer. Accès au savoir, passeport pour le voyage et l’évasion. J’avais aussi un peu l’impression d’appartenir à un cercle fermé de privilégiés, ceux qui avaient déchiffré le code, les lecteurs. Cette découverte de la lecture en solo, comme une grande fille, s’est également accompagnée de l’arrivée de nouveaux objets dans ma vie, compagnons de mes livres et de mes lectures. J’ai ainsi pu commencer à apprécier la beauté d’un marque page, et celle des bibliothèques, porteuses de tant de destins et si prometteuses ! Je les examinais attentivement partout où j’allais, partout où j’en trouvais. J’ai ainsi hanté les rayonnages de celles de mes écoles, de mes amis, de ma famille, partout où il y avait des livres, j’étais aussi, j’allais aussitôt. Flânant au gré de leurs rayons, j’aimais à piocher un livre et à endosser, selon mon humeur changeante ou mes caprices, le rôle d’une Rebecca, j’adorais revivre le destin tragique d’une Juliette, j’aimais à soliloquer avec Solal, ou encore rêver à la gloire avec Julien Sorel et Bel Ami, pour n’en citer que quelques uns. Tellement d’auteurs et de personnages ont peuplé mes nuits que je ne saurai les citer tous avec exactitude, et je ne souhaite en oublier aucun car  tous ont compté, en leur temps et chacun à leur façon. Et avec eux, par eux, je construisais mes premiers châteaux en Espagne, espérant tantôt mener la vie de détective d’un Hercule Poirot, ou encore songeant à me passionner pour la langue française, et je priais alors pour devenir le nouveau Zola, le nouveau Maupassant, le nouveau Vian, bref, compter dans le paysage littéraire en y laissant une griffe particulière, une plume inattendue.
J’étais très exigeante et j’attendais d’un livre qu’il me fascine et me captive au point que je ne puisse plus rien faire d’autre que de me consacrer à lui corps et âme, vouer mon temps à sa seule lecture, au point que de m’arracher à lui soit douloureux. Je m’y plongeai avidement de la première ligne au dernier point.

Et aujourd’hui, je lis toujours. Outre mon emploi de documentaliste, je fais partie d’un café lecture et j’écris un peu, du moins j’essaie. Je fais les salons du livre en touriste, avec l’espoir qu’un jour j’y sois invitée en tant qu’auteur. Je sais que mes parents sont heureux et fiers de m’avoir transmis leur passion des livres, et j’espère à mon tour, un jour, enseigner cet amour des mots à mes enfants, tout comme j’essaie de le faire passer à mes étudiants au quotidien.



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