Ce week-end, je suis montée trois jours à Paris. L’idée
était de s’aérer un peu, de voir la famille, mais aussi, et notamment, d’aller
au Grand Palais voir l’exposition Nikki de Saint Phalle.
Wow, quelle expo, quel choc ! Il y a tant à dire que je
ne sais par où commencer !
Commençons par le commencement ^^. Catherine , Marie-Agnès
Fal de Saint Phalle, dite Nikki de Saint-Phalle, est née en 1930.Très belle
femme, elle a été tout d’abord mannequin, et a fréquenté le milieu littéraire
et artistique, avant de devenir artiste à son tour, et de se lancer dans la
création originale.
Elle est morte en 2002, et son œuvre mêle performance, art
corporel, peinture et sculpture.
Autodidacte, elle fait le choix de se consacrer uniquement à
la création : « Peindre calmait le chaos qui agitait mon âme ;
c’était une façon de domestiquer ces dragons qui ont toujours surgi dans mon
travail. ».
Mais reprenons depuis le début.
L’expo commence par une rapide frise chronologique, pointant
les dates clés de sa vie et de son œuvre. Ensuite, on rentre directement dans
le vif du sujet, avec des peintures, faites parfois de collages, d’assemblages,
ainsi que des sculptures géantes, dans lesquelles les proportions du corps ne
sont pas vraiment respectées…
On est ici en présence d’une œuvre complexe, qui interpelle,
et met mal à l’aise. D’où vient ce côté glauque, sombre et malsain qui semble
transparaître derrière chaque œuvre, et auquel on ne peut échapper ? Et
cela a-t-il un lien avec le fait que cette grande artiste, et cette si belle
femme, nous renvoie un regard vide ? Même quand elle parle avec animation
de son travail (sur des vidéos disséminées tout au long de l’expo), ses yeux sont
comme éteints, son regard empreint d’une tristesse à la fois touchante et
indéfinissable.
Je décide de prêter attention aux textes qui m’entourent et
je découvre, avec effarement, que l’artiste a été violée par son père à l’âge
de onze ans !
Et là, tout s’éclaire ! Je comprends l’égarement, la
recherche, à travers son art, d’une sorte d’apaisement, d’une vengeance (elle
créera plusieurs œuvres sur le thème de la mort de son père), et je perçois
également, au-delà de la créatrice talentueuse et effrénée, la femme ravagée à
qui l’on a volé une part de son enfance, et qui n’a eu d’autre choix que de
tenter, toute sa vie durant, d’exorciser ses démons intérieurs au travers de
l’art.
Je poursuis l’expo, et aux peintures, succèdent des
sculptures, aux sculptures des dessins, aux dessins des films, des reportages,
des interviews.
Certaines œuvres sont aussi colorées que d’autres sont
sombres, et sobres (du moins dans leurs couleurs), et l’on passe de couleurs
criardes, voire agressives parfois, à du blanc, du gris, du béton nu,
brut et non enjolivé. Son travail a parfois un côté kitsch, psychédélique,
voire onirique.
Ci dessus une mariée.
Nikki voit grand et construit également dans le monde entier des jardins et des
bâtiments, plus ou moins habitables pour certains. L’un de ces lieux rappelle à
s’y méprendre « Le Palais Idéal du facteur Cheval ».
Ci dessus Le Palais Idéal du Facteur Cheval, une propriété de la commune d'Hauterives
J’avance dans cette expo, qui intrigue, et souvent dérange.
Certains dessins semblent enfantins, et pourtant, on y ressent tout de même la
dimension « torturée » de l’artiste. Et je ne peux m’empêcher de me
demander si cette femme aurait produit la même chose si elle n’avait pas été
victime d’inceste de la part de son père ? …
Au niveau des thèmes et des symboles que l’on retrouve de
façon récurrente dans son œuvre, on note le thème de la femme, de l’amour, de
la maternité, de l’accouchement, du corps, de la violence, des armes, de la
sexualité, du mariage, du serpent et du viol. Tout cela résumé souvent à des
corps de femmes aux vagins explosés, béants, largement ouverts sur la violence
de la vie.
Ci dessus la "Hon", sculpture géante et éphémère
A ce stade, je me dis que l’expo, et l’œuvre de Nikki de
Saint Phalle, est hallucinante, surprenante, démesurée et surréaliste ;
son travail me laisse perplexe, admirative, et dubitative.
Son travail est parsemé d’armes, de serpents (le
viol ?), de poupons démembrés, disloqués (enfance brisée ?). Elle
possède également une portée, ou dimension religieuse, avec la présence de
nombreux crucifix et de multiples scènes de crucifixion.
Nikki produit de l’art qui est tout sauf classique, c’est au
contraire moderne, contemporain.
Ses sculptures monumentales et très colorées, que sont les
« Nanas », une des parties prédominantes de son œuvre, une des plus
importante et imposante, semblent être une allégorie de la femme au pouvoir, de
la folie des grandeur des femmes.
Ci dessus les "Nanas"
Ces « nanas » sont par ailleurs mises en scènes
dans un ballet classique grotesque, avec de vrais danseurs classique, pour un
résultat très ironique, et assez caricatural, qui prête toutefois à sourire,
tellement ce spectacle et inattendu !
Outre la série des « nanas », le thème de la femme
est également présent à travers de nombreuses représentations d’accouchements,
de mariées, de prostituées, mais toujours au travers de corps disproportionnés,
grotesques, aux formes désharmonieuses et aux courbes disgracieuses au
possible ! Sans oublier les vagins proéminents, véritables protubérances,
associés à certaines sculptures. Tout semble nous ramener à son viol par son
père, et notamment sa série intitulée « Daddy », devant laquelle un
malaise immédiat s’empare de nous.
Ci dessus une des pièces de la série "Daddy"
On sent également dans l’œuvre de l’artiste l’influence
d’artistes majeurs, tels que Picasso, Gaudi ou encore Dali.
L’œuvre de Nikki est hypnotique, et parfois cauchemardesque
(car issu de l’imaginaire et des cauchemars de l’artiste) ; mais elle
gagne à être découverte et connue !
Je ne connaissais pas on travail avant d’entendre parler de
cette expo, ou plutôt, je connaissais sans savoir que c’était d’elle, pour
avoir croisé des sculptures de « nanas » à une époque devant
Beaubourg.
Après un petit pincement de déception devant ses collages,
dans la première salle ( j’ai toujours l’impression que si je peux en faire autant,
cela ne peut pas être de l’art (même si je ne suis pas assez torturée pour
avoir eu les mêmes idées qu’elle)), j’ai été stupéfaite par ce que j’ai
découvert : l’œuvre, et la femme à son origine.
Pour conclure, je dirai que même si ce n’est pas l’art que
je préfère, j’ai adoré cette expo, et je suis très heureuse d’avoir eu la
chance de pouvoir la voir !
Ce fut une odyssée passionnante au travers des méandres
tortueux de l’esprit d’une femme géniale, mais perdue. Un voyage au cœur de la
création tumultueuse née du chaos de l’âme d’une femme que la vie a abîmée.
Et si, à mon avis, les œuvres de Nikki de Saint Phalle n’ont
pas fini de nous étonner, et n’ont pas fini de livrer tous leurs secrets, car
l’artiste surprend sans cesse, j’espère au moins qu’au détour de l’une de ses
créations, l’artiste aura trouvé la sérénité, le repos, et que son âme aura
quitté cette terre en paix…
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