mercredi 3 décembre 2014

Exposition Nikki de Saint Phalle au Grand Palais


Ce week-end, je suis montée trois jours à Paris. L’idée était de s’aérer un peu, de voir la famille, mais aussi, et notamment, d’aller au Grand Palais voir l’exposition Nikki de Saint Phalle.
 
Wow, quelle expo, quel choc ! Il y a tant à dire que je ne sais par où commencer !
 Commençons par le commencement ^^. Catherine , Marie-Agnès Fal de Saint Phalle, dite Nikki de Saint-Phalle, est née en 1930.Très belle femme, elle a été tout d’abord mannequin, et a fréquenté le milieu littéraire et artistique, avant de devenir artiste à son tour, et de se lancer dans la création originale.

 
Elle est morte en 2002, et son œuvre mêle performance, art corporel, peinture et sculpture.
Autodidacte, elle fait le choix de se consacrer uniquement à la création : « Peindre calmait le chaos qui agitait mon âme ; c’était une façon de domestiquer ces dragons qui ont toujours surgi dans mon travail. ».
 Mais reprenons depuis le début.
 L’expo commence par une rapide frise chronologique, pointant les dates clés de sa vie et de son œuvre. Ensuite, on rentre directement dans le vif du sujet, avec des peintures, faites parfois de collages, d’assemblages, ainsi que des sculptures géantes, dans lesquelles les proportions du corps ne sont pas vraiment respectées…
 On est ici en présence d’une œuvre complexe, qui interpelle, et met mal à l’aise. D’où vient ce côté glauque, sombre et malsain qui semble transparaître derrière chaque œuvre, et auquel on ne peut échapper ? Et cela a-t-il un lien avec le fait que cette grande artiste, et cette si belle femme, nous renvoie un regard vide ? Même quand elle parle avec animation de son travail (sur des vidéos disséminées tout au long de l’expo), ses yeux sont comme éteints, son regard empreint d’une tristesse à la fois touchante et indéfinissable.
 
 
 Je décide de prêter attention aux textes qui m’entourent et je découvre, avec effarement, que l’artiste a été violée par son père à l’âge de onze ans !
Et là, tout s’éclaire ! Je comprends l’égarement, la recherche, à travers son art, d’une sorte d’apaisement, d’une vengeance (elle créera plusieurs œuvres sur le thème de la mort de son père), et je perçois également, au-delà de la créatrice talentueuse et effrénée, la femme ravagée à qui l’on a volé une part de son enfance, et qui n’a eu d’autre choix que de tenter, toute sa vie durant, d’exorciser ses démons intérieurs au travers de l’art.
 Je poursuis l’expo, et aux peintures, succèdent des sculptures, aux sculptures des dessins, aux dessins des films, des reportages, des interviews.
 Certaines œuvres sont aussi colorées que d’autres sont sombres, et sobres (du moins dans leurs couleurs), et l’on passe de couleurs criardes, voire agressives  parfois, à du blanc, du gris, du béton nu, brut et non enjolivé. Son travail a parfois un côté kitsch, psychédélique, voire onirique.


Ci dessus une mariée.

Nikki voit grand et construit également dans le monde entier des jardins et des bâtiments, plus ou moins habitables pour certains. L’un de ces lieux rappelle à s’y méprendre « Le Palais Idéal du facteur Cheval ».

Ci dessus Le Palais Idéal du Facteur Cheval, une propriété de la commune d'Hauterives


 
J’avance dans cette expo, qui intrigue, et souvent dérange. Certains dessins semblent enfantins, et pourtant, on y ressent tout de même la dimension « torturée » de l’artiste. Et je ne peux m’empêcher de me demander si cette femme aurait produit la même chose si elle n’avait pas été victime d’inceste de la part de son père ? …
 Au niveau des thèmes et des symboles que l’on retrouve de façon récurrente dans son œuvre, on note le thème de la femme, de l’amour, de la maternité, de l’accouchement, du corps, de la violence, des armes, de la sexualité, du mariage, du serpent et du viol. Tout cela résumé souvent à des corps de femmes aux vagins explosés, béants, largement ouverts sur la violence de la vie.

Ci dessus la "Hon", sculpture géante et éphémère
 A ce stade, je me dis que l’expo, et l’œuvre de Nikki de Saint Phalle, est hallucinante, surprenante, démesurée et surréaliste ; son travail me laisse perplexe, admirative, et dubitative.
 Son travail est parsemé d’armes, de serpents (le viol ?), de poupons démembrés, disloqués (enfance brisée ?). Elle possède également une portée, ou dimension religieuse, avec la présence de nombreux crucifix et de multiples scènes de crucifixion.
 Nikki produit de l’art qui est tout sauf classique, c’est au contraire moderne, contemporain.
Ses sculptures monumentales et très colorées, que sont les « Nanas », une des parties prédominantes de son œuvre, une des plus importante et imposante, semblent être une allégorie de la femme au pouvoir, de la folie des grandeur des femmes.
 


Ci dessus les "Nanas"
 
Ces « nanas » sont par ailleurs mises en scènes dans un ballet classique grotesque, avec de vrais danseurs classique, pour un résultat très ironique, et assez caricatural, qui prête toutefois à sourire, tellement ce spectacle et inattendu !
 Outre la série des « nanas », le thème de la femme est également présent à travers de nombreuses représentations d’accouchements, de mariées, de prostituées, mais toujours au travers de corps disproportionnés, grotesques, aux formes désharmonieuses et aux courbes disgracieuses au possible ! Sans oublier les vagins proéminents, véritables protubérances, associés à certaines sculptures. Tout semble nous ramener à son viol par son père, et notamment sa série intitulée « Daddy », devant laquelle un malaise immédiat s’empare de nous.
 

 
 
Ci dessus une des pièces de la série "Daddy"
 On sent également dans l’œuvre de l’artiste l’influence d’artistes majeurs, tels que Picasso, Gaudi ou encore Dali.
 L’œuvre de Nikki est hypnotique, et parfois cauchemardesque (car issu de l’imaginaire et des cauchemars de l’artiste) ; mais elle gagne à être découverte et connue !
Je ne connaissais pas on travail avant d’entendre parler de cette expo, ou plutôt, je connaissais sans savoir que c’était d’elle, pour avoir croisé des sculptures de « nanas » à une époque devant Beaubourg.
 Après un petit pincement de déception devant ses collages, dans la première salle ( j’ai toujours l’impression que si je peux en faire autant, cela ne peut pas être de l’art (même si je ne suis pas assez torturée pour avoir eu les mêmes idées qu’elle)), j’ai été stupéfaite par ce que j’ai découvert : l’œuvre, et la femme à son origine.
 Pour conclure, je dirai que même si ce n’est pas l’art que je préfère, j’ai adoré cette expo, et je suis très heureuse d’avoir eu la chance de pouvoir la voir !
Ce fut une odyssée passionnante au travers des méandres tortueux de l’esprit d’une femme géniale, mais perdue. Un voyage au cœur de la création tumultueuse née du chaos de l’âme d’une femme que la vie a abîmée.
 Et si, à mon avis, les œuvres de Nikki de Saint Phalle n’ont pas fini de nous étonner, et n’ont pas fini de livrer tous leurs secrets, car l’artiste surprend sans cesse, j’espère au moins qu’au détour de l’une de ses créations, l’artiste aura trouvé la sérénité, le repos, et que son âme aura quitté cette terre en paix…

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